Signatures.
Nos maladies sont comme nos signatures. Et nous souhaitons garder l'anonymat.
Elle est obése. Vraiment obèse. Elle a des cheveux blonds et gras, trés courts sur sa grosse tête, et des yeux bleus et vides qui vous sourient. Elle marche bizarrement, se dandine, elle glousse souvent, elle rôte, elle transpire, elle est rouge et elle sent mauvais. Elle sourie, elle bave mon prénom, me prend dans ses gros bras, ma tête minuscule entre ses gros nichons. Parfois elle m'insulte, parfois elle me tord les poignets. Et moi je lui demande si elle veux un sucre, dans son café. Bon, elle sourie. Et moi je l'aime.
Il dit que je suis une petite peste. Que de son temps, les filles comme moi, c'était mal vu. Il dit que je suis trés méchante, que je ne respecte rien. Il passe ses journées à écrire à sa femme, pour lui dire d'aller se faire sodomiser ailleurs. Il est trés vieux et il a une moustache blanche, il marche avec une canne et il ronchonne, tout le temps. Il est diabétique et il me menace avec son couteau à bout rond, pour que je lui donne un boudoir. Il dit que je suis une salope. Et moi je l'aime.
Elle croit que je m'appelle Madame Barada. Elle regarde le vide, elle est un peu grosse, courte sur pattes, elle a les cheveux trés noirs pourtant elle est vieille. Elle parle toujours sur le même ton, et ne ponctue aucune de ses phrases. Elle parle sans arret, à tout ce qui l'entoure, et au bon dieu, et notre père qui êtes aux cieux, que les chats cessent de miauler, elle parle de vaches qui ont des braguettes. Elle dit que je suis le diable, que j'ai volé sa fille, que j'ai le mal en moi. Elle m'attrappe et me colle au mur, me dit que je finirais dans un trou noir, que je suis le diable, vous comprenez, le diable. Et moi je l'aime.
Il dit que quand même, je pourrais faire un effort pour me coiffer. Il dit que j'aurais pu, être jolie. Il dit qu'il a mal ici, et puis là, mais que ça n'est pas important. Il dit que nous ne sommes pas seuls. Il dis chut, tu entends? Il dit que les martiens sont là, il demande si je suis l'un des leurs, il s'en va en courrant. Et moi je l'aime.
Ils font pipi à côté de la cuvette exprés, pour venir me demander de nettoyer ensuite. Ils me parlent de leurs haines, de leurs cauchemards, me taxent une clope, un sucre, un cacheton. Ils m'agressent physiquement, verbalement, moralement. Ils me serrent dans leurs bras, ils me donnent des coups de pieds. Ils m'insultent et puis me sourient, ils m'appellent puis m'ignorent. Ils m'oublient chaque soir, me redécouvrent chaque matin. Ils m'auront oublié dès que j'aurais rendu ma blouse, ils ne posent pas de questions. Ils sont là ils regardent, ils bavent un peu, ils puent beaucoup. Et moi je les aime.